Le Plan vélo qui portera en lui, très probablement, des éléments de règlementation concernant les nouveaux engins de micro mobilités qui, pour l’instant, sont invisibles d’un point de vue réglementaire en France, est annoncé pour le 10 septembre 2018. Après plusieurs promesses de communication repoussées, il semble que le gouvernement ait fini – ou est sur le point de – ses arbitrages. Peu de gens sont dans le secret des dieux quant à l’orientation finale des exigences concernant l’utilisation des espaces publics qui sera décidé pour les e-EDP. Cependant, au vu des discussions continues et du suivi que la FP2M effectue depuis des mois, nous savons que deux de nos propositions fortes semblent d’ores et déjà actés :
- autorisation de circulation sur les Voies cyclables avec un moteur ne délivrant plus de puissance au delà de 25 km/h
- autorisation d’utiliser les zones apaisées (chaussées limitées à 30 km/h)
Là où les arbitrages achoppent, sans aucun doute au vu des discussions animées qui ont alimenté les réunions sur le sujet depuis les Assises de la mobilité, c’est en cas de nécessité de rabattement – absence de pistes cyclables –, l’utilisateur de trottinettes ou de gyro-engins devra être soit:
- sur la chaussées avec une exclusion totale du trottoir. Les acteurs poussant fortement pour cette première solution arguent du fait que cela permettrait de sanctuariser le trottoir pour les seuls piétons et évitera le processus lent et complexe de création d’une nouvelle catégorie de véhicules dans le code de la route et les règlementations européennes. Il faudra simplement assimiler les e-EDP complètement aux cycles.
ou
- sur le trottoir, à la vitesse du pas soit 6 km/h, avec possibilité (proposition FP2M) ou non (position ministère de l’intérieur, DSCR) d’utilisation de la chaussée u cas pas cas. Dans ce second cas, les e-EDP ayant des caractéristiques d’utilisation n’existant pour aucun autre véhicule (ni les VTM, ni les cycles, ni les véhicules classés dispositifs médicaux), il faudra créer une nouvelle catégorie de véhicules dans le code de la route, puis le porter dans les règlements européens (les exclure du champ d’application de du règlement No 168/2013 par exemple).
Cette option à la priorité de la FP2M, avec une ouverture de l’utilisation des chaussées à 50 km/h en rappelant possibilité de restriction par toutes autorités locales, selon la dangerosité des axes de circulation sur un territoire donné.
Il est évident que le choix de l’une ou l’autre des options est aussi un choix philosophique pour la postérité, du type de société que nous voulons. Il y a ceux qui opposent le bien-être et le droit à la tranquillité totale pour les piétons (option 1) à la prise en compte des évolutions inéluctables des mobilités d’aujourd’hui et de demain, la nécessité donc de partager les espaces publics (option 2). L’homme d’aujourd’hui et de demain aura une mobilité propre et rapide, quelque soit les modes choisis.
Il faut cependant ne pas perdre de vue que les e-EDP ne sont PAS des cycles ; leur utilisation n’est pas la même, ils ne répondent pas aux mêmes besoins en termes de déplacement et surtout, les utilisateurs ne sont – bien souvent – pas les mêmes. Assimiler, réglementairement, les e-EDP aux cycles ne créerait pas seulement la confusion auprès des utilisateurs, des professionnels mais aussi des contradictions et des incohérences de toutes sortes.
- Les cycles à assistances électriques sont définis par une puissance limitée à 250 W et un cutt-off moteur à 25 km/h. Si la limitation de la vitesse n’est pas un réel souci (sauf de confort pour certains utilisateurs de e-EDP), la limitation éventuelle de la puissance des e-EDP serait catastrophique. La technologie auto-équilibrant (self-balancing) qui équipe les gyro-engins est basée sur la puissance. La puissance n’est pas là simplement pour la vitesse mais surtout pour maintenir le produit en équilibre, lui permettre de passer les obstacles, etc… Une trop faible puissance rendrait ces engins extrêmement dangereux. Aujourd’hui, il n’est pas rare de voir des gyropodes affichant 1500 W ou 2000 W de puissance (notamment les plus lourds ou ceux avec de grandes tailles de roues). Le législateur passera-t-il les VAE à ces puissances ? Peut probable.
- Autre problématique technique ; l’obligation de double freinage mécanique, réglementaire pour les cycles, n’est techniquement pas possible sur certains e-EDP auto-équilibré (ex : les roues). Aura-t-on donc une catégorie de véhicules dans lesquels il faudra distinguer des obligations techniques différentes ? Cela est tout à fait possible. Rappelons que les acteurs du cycle utilitaire (vélos cargo) sont très demandeur d’une telle distinction en matière de puissance. Mais cela complexifierait grandement la définition de ce qu’un cycle techniquement.
- L’obligation du port d’équipement de protection individuel pourrait poser des problèmes aux cycles. Le paysage des utilisateurs aujourd’hui montre une très forte utilisation du casque, par exemple, chez les utilisateurs de e-EDP. Les nombreuses parties prenantes qui voudraient imposer le port du casque aux utilisateurs de e-EDP pourraient ne rencontrer qu’une très faible opposition, ce qui ne sera absolument pas le cas du côté des utilisateurs de la bicyclette (FUB, CVTC et autres organisations) qui sont opposés à toute notions d’obligation. Assimiler les e-EDP aux cycles équivaudrait à imposer aux vélos électriques – et pas que – les mêmes contraintes.
- La question de l’assurance également serait tout de suite assez complexe. Aujourd’hui, seuls les engins motorisés sont soumis à l’obligation d’assurance. Donc les vélos électriques en sont exclus. Pour les e-EDP la situation est claire (assurance obligatoire pour les engins auto-portés) et floue en même temps (quid des trottinettes qui sont à assistance électriques, nécessitant la force musculaire). Assimilés aux vélos électriques, la situation des e-EDP deviendrait kafkaïenne ; si la catégorie est la même pourquoi les exigences en matière d’assurance sur la voie publique serait différente ? Dans ces cas, faudra-t-il imposer une assurance pour les vélos électriques également ?
- La demande d’une catégorie spécifique répond également à des besoins pragmatiques de suivi du marché par les professionnels et les autorités. Les obligations douanières existant (loi anti-dumping) aujourd’hui sur les cycles mécaniques (48,5% d’imposition) ainsi que le régime provisoire imposé au cycle électrique depuis le 20 juillet (jusqu’à 83% pour certaines entreprises chinoises) s’imposeraient aux e-EDP, un nouveau marché en pleine progression, et décapiteraient bon nombre d’entreprises. En sachant que, autant il y a des trottinettes électriques conçues et même – parfois – fabriqués en France (une niche par rapport aux volumes écoulés global), pour tous les engins auto-équilibrés les fabricants sont à 90% chinois. Il n’y a donc pas de notion de dumping fiscal puisqu’il n’y a pas d’industrie – de fabricants – de ces produits là en France.
- Le Plan vélo en cours de discussion (communication le 10 septembre) envisagerait de rendre obligatoire l’identification du vélo pour lutter contre le vol des vélos qui est un fléau dans le développement de la pratique. Cependant, les e-EDP de part leur flexibilité, les poids réduits, leur pliage souvent facilité, ne sont pas exposés aux vols de la même façon que les vélos qui, eux, doivent être stationnés, souvent dans des espaces publics au pire, ou dans des parkings adaptés au mieux.
- Si l’on finit sur du positif ; toutes incitations fiscales, toutes aides, tout plan de développement de l’usage du vélo (IKV, bonus fiscal, le « Savoir rouler à l’école », etc… devront s’appliquer également aux e-EDP puisqu’il y aura une catégorie unique d’engins assimilables aux cycles.
Cette analyse de l’impact d’une assimilation, sans recul, par facilité, des engins de déplacement personnel électrique aux cycles montre la complexité que cela engendrerait et qui ne serait, au final, favorable ni aux e-EDP ni aux vélos. Les produits ne sont pas les mêmes, le législateur doit prendre en compte, de façon spécifique, ces nouveaux engins de micro mobilité et lui appliquer des droits et devoirs qui seront spécifiques à l’usage de ces engins, tout en prenant, évidemment, en compte l’environnement global dans lequel ils sont amenés à évoluer.