De nombreux articles, même dans des médias généralistes tout à fait respectables, et des échanges sur les forums Internet insistent sur le fait qu’il y aurait un « flou » dans la prise en compte des Engins de Déplacement Personnel (EDP) dans la réglementation française, mais aussi européenne. La FP2M se bat sur tous les fronts pour le développement de la filière Micro mobilité, dont le front réglementaire, et tient à clarifier au mieux la situation actuelle, non satisfaisante, afin que tous les acteurs concernés (utilisateurs, professionnels, autorités administratives, associations, police…) aient le même niveau d’information. On ne peut soigner un malade si l’équipe médicale ne partage pas le même diagnostique.

 

Qu’en est-il de la situation actuelle ?

La situation réglementaire actuelle n’est pas « floue » comme l’aime à le clamer de trop nombreuses parties prenantes. Le paysage réglementaire actuel ne prend pas en compte l’innovation de service qu’est cette nouvelle mobilité urbaine et périurbaine faite sur des engins légers motorisés. Cependant, la réglementation actuelle prend bien en compte les produits de mobilité ; des obligations de mise sur le marché à leur utilisation sur le domaine public les réglementations existent, sont claires, mais ne sont absolument pas adaptées aux nouveaux usages.

 

 

Sur les EDP mécaniques : trottinettes, skate

Le législateur a considéré, à tort vu de évolutions des usages, que les trottinettes mécaniques étaient des engins de loisir dédiés aux enfants et que le skate-board étaient également des produits de loisirs utilisables par des jeunes enfants aux jeunes adultes. Résultats ? les usagers de rollers, trottinettes mécaniques sont assimilés à des piétons et sont, à ce titre, soumis aux dispositions du code de la route qui prévoit pour ce type d’usagers l’obligation de circuler sur les trottoirs, d’emprunter les passages protégés lors des traversées de chaussées et de respecter les feux de signalisation (articles R. 412-34 à R. 412-42 du code de la route).

Situation qui était vraie jusqu’à ce mouvement de retour à l’usage originel des trottinettes mécaniques : le déplacement de proximité. Dès le début des années 2000 de nombreuses associations ont alerté certains parlementaires sur le fait que, redevenant un vrai moyen de locomotion, il fallait repenser cette classification. Certaines interventions assez maladroites d’ailleurs comme cette Question écrite n° 38009 de M. Jacques Peyrat.

 

Sur les EDP électriques : des trottinettes aux giro-roues en passant par les skates et les hoverboards

Là encore, la situation sur les engins est claire mais absolument pas pensée pour les nouvelles mobilités car ces nouveaux engins électriques tombent dans une double interdiction résultant d’une contradiction entre deux règlementations : le code de la route et le règlement européen.

Le code de la route d’un côté qui stipule dans Article R412-7 : « I.- Les véhicules doivent, sauf en cas de nécessité absolue, circuler sur la chaussée. »

 

 

Le code de la route d’un côté qui stipule dans l’article Article R110-2-1 (modifié par décret en 2008) :

« aire piétonne : section ou ensemble de sections de voies en agglomération, hors routes à grande circulation, constituant une zone affectée à la circulation des piétons de façon temporaire ou permanente. Dans cette zone, sous réserve des dispositions de l’article R. 431-9, seuls les véhicules nécessaires à la desserte interne de la zone sont autorisés à circuler à l’allure du pas et les piétons sont prioritaires sur ceux-ci. Les entrées et sorties de cette zone sont annoncées par une signalisation. »

Cela veut bien dire que les trottinettes électriques ne sont pas autorisées sur le trottoir car ils ne sont pas considérés comme des piétons, cependant si l’on considère qu’ils sont dédiés à la desserte interne de la zone (exemple : esplanade de la Défense) ils sont autorisés.

 

« piste cyclable : chaussée exclusivement réservée aux cycles à deux ou trois roues ».

Là aussi, les EDP électriques ne sont clairement pas autorisés.

 

« chaussée : partie (s) de la route normalement utilisée (s) pour la circulation des véhicules ».

Les EDP étant des véhicules, leur place serait donc sur la chaussée si l’on considère que « Est considéré comme véhicule tout engin susceptible de se mouvoir par un dispositif propre, que ce soit par un moteur, mais aussi un animal, voiles, rames, pédalier. Cela comprend les engins terrestres, aériens, maritimes ou fluviaux, que ce soient des engins de transport ou de travail. »

 

« zone 30 : section ou ensemble de sections de voies constituant une zone affectée à la circulation de tous les usagers. Dans cette zone, la vitesse des véhicules est limitée à 30 km / h. Toutes les chaussées sont à double sens pour les cyclistes, sauf dispositions différentes prises par l’autorité investie du pouvoir de police. Les entrées et sorties de cette zone sont annoncées par une signalisation et l’ensemble de la zone est aménagé de façon cohérente avec la limitation de vitesse applicable. »

Dans ce cas, les zones à 30 km/h sont ouvertes à TOUS les EDPs, à la limite de la voie, puisque ouverte sans condition aux véhicules et aux piétons

 

 

Cependant !

 

Règlement (UE) n ° 168/2013 du Parlement européen et du Conseil du 15 janvier 2013 relatif à la réception et à la surveillance du marché des véhicules à deux ou trois roues et des quadricycles

 

 

Ce règlement encadre les disposions pour la réception, ou l’homologation (voir DRIEE/DREAL/DEAL), des véhicules destinés au marché européen. A l’issue des actions d’homologation le véhicules reçoit une immatriculation obligatoire pour la circulation sur l’espace public (exception des cycles).

 

Article 2-2 « Le présent règlement ne s’applique pas aux véhicules suivants: »

a) « les véhicules ayant une vitesse maximale par construction ne dépassant pas 6 km/h; »

Un EDP allant à la « vitesse du pas » ne peut donc pas homologué.

b) « les véhicules exclusivement destinés à être utilisés par les handicapés physiques »;

Le code de la route les autorise cependant dans l’espace public, à 6 km/h, sur le trottoir et, quand de nécessaire, sur la chaussée

c) « les véhicules exclusivement destinés à être conduits par un piéton »;

On mettra dans cette catégorie les poussettes par exemple qui donc, même électrique, n’ont pas à être immatriculés. Par contre il serait intéressant de savoir ce que le code de la route dit quant à l’utilisation du trottoir sur une poussette électrique…

d) « les véhicules exclusivement destinés aux compétitions »;

L’opérateur qui souhaiterait mettre en place un circuit sportif, encadré, n’aura pas besoin d’immatriculation, même sur les EDP très rapides.

g) « les véhicules conçus essentiellement pour une utilisation hors route et destinés à circuler sur des surfaces sans revêtement »;

Opérateurs mettant à disposition des EDP sur des sites d’entreprises sont non soumis à l’immatriculation, sauf dispositions spécifiques de l’entreprise.

h) « les cycles à pédalage assisté, équipés d’un moteur auxiliaire électrique d’une puissance nominale continue inférieure ou égale à 250 W, dont l’alimentation est soit interrompue lorsque le cycliste cesse de pédaler, soit réduite progressivement et finalement interrompue avant que la vitesse du véhicule n’atteigne 25 km/h »;

Catégorie spécifique concernant les VAE qui, de plus, sont assimilés dans le code de la route aux cycles mécaniques. Un exemple à suivre mais pas à copier totalement (voir proposition ci-dessous)

j) « les gyropodes » et i)  «les véhicules qui ne comportent pas au moins une place assise »;

Les deux derniers points sont ceux qui montrent de façon très claire que les EDP, sans sièges, ne peuvent pas être homologués, donc ne peuvent être immatriculés et ne peuvent pas être admis sur la chaussée.

Cependant, une trottinette à motorisation électrique qui aurait une place assise EST RÉGLEMENTÉE sous la catégorie “cyclomoteur 2 roues L1e” ou “cyclomoteurs 3 roues L2e”. Ils DOIVENT être immatriculés.

 

 

Et donc ? Propositions d’évolution réglementaire

 

Aujourd’hui nous avons donc, pas un flou, mais une double exclusion (du trottoir par le code de la route et de la chaussée par le règlement européen) qui interdit ce nouveau mode de mobilité électrique dans l’espace public.

Cette situation ne peut pas être laissé en l’état.

Le gouvernement, conscient du sujet, entend règlementer très prochainement afin d’éclaircir la situation et certaines orientation, telles que l’assimilation aux cycles, n’étant pas une solution pertinente, la FP2M préconise la création d’une catégorie spécifique pour les EDP (à l’image du cycle justement) qui nécessiterait les évolutions règlementaires qui pourraient être :

 

Modifier le Code de la route Article R311-1

 

« 6.10. Cycle : véhicule ayant au moins deux roues et propulsé exclusivement par l’énergie musculaire des personnes se trouvant sur ce véhicule, notamment à l’aide de pédales ou de manivelles ; »

Selon cette définition les EDP mécaniques seraient incluses déjà. Il suffirait donc de clairement les exclure des articles R. 412-34 à R. 412-42 du code de la route ou de redéfinir:

« 6.1x. EDP : véhicule ayant au moins deux roues et propulsé exclusivement par l’énergie musculaire des personnes se trouvant sur ce véhicule ; »

 

6.11. « Cycle à pédalage assisté : cycle équipé d’un moteur auxiliaire électrique d’une puissance nominale continue maximale de 0,25 kilowatt, dont l’alimentation est réduite progressivement et finalement interrompue lorsque le véhicule atteint une vitesse de 25 km/ h, ou plus tôt si le cycliste arrête de pédaler ; »

Cette définition inclurait les EDP à assistance électrique respectant ces caractéristiques techniques. Cela créerait de grande confusion et incompréhension s’il y avait une différence de traitement entre les EDP autoportés et ceux à assistance électrique. Il faudra donc définir une nouvelle catégorie en prenant en compte les deux types de motorisation (assistance ou autoportée) mais aussi la nécessité d’une puissance nécessaire pour les système gyroscopiques (critère majeur de sécurité de l’équilibrage) mais aussi de sécurité routière en terme de vitesse.:

6.1x. « EDP à mobilité assisté : EDP équipé d’un moteur auxiliaire électrique d’une puissance nominale continue maximale de 4 kilowatts, dont la vitesse maximale ne peut excéder 25 km/ h ou dont l’alimentation est réduite progressivement et finalement interrompue lorsque le véhicule atteint une vitesse de 25 km/ h ; »

 

Modifier le Règlement (UE) n ° 168/2013

L’article 4 du règlement (catégorie de véhicules) n’exclut par les véhicules avec sièges. Il faudrait donc simplement faire évoluer l’article 2 (Champs d’application) :

j) les véhicules dont la vitesse maximale ne peut excéder 25 km/h et qui ne comportent pas au moins une place assise ;

Ceci mettrait en cohérence le code de la route tout en n’interdisant pas les EDP très rapides mais en les renvoyant aux catégories L1e-a et L1e-B pour une obligation d’homologation et donc d’immatriculation.

 

Rappel des propositions de la FP2M

La FP2M renouvelle donc ses propositions de création d’une catégorie spécifique de véhicules qui auraient des obligations et des libertés spécifiques, tout en insistant sur le fait que l’ Article R411-8 garantie déjà une vision plus locale de la libre circulation des EDP car elle spécifie « Les dispositions du présent code ne font pas obstacle au droit conféré par les lois et règlements aux préfets, au président du Conseil exécutif de Corse, aux présidents de conseil général et aux maires de prescrire, dans la limite de leurs pouvoirs, des mesures plus rigoureuses dès lors que la sécurité de la circulation routière l’exige. »

  • Autoriser les EDP à circuler sur les voies et les zones cyclables à une vitesse maximum de 25 km/h (bridage par construction prévue dans la norme)
  • Autoriser les EDP à circuler sur les voies et les zones piétonnes à une vitesse maximum de 6 km/h (Mode « piéton » prévue dans la future norme)
  • Autoriser les EDP à circuler sur les chaussées limitées à 30 km/h et autres zones à circulations apaisées
  • Rappeler le pouvoir/la possibilité faite aux autorités locales d’autoriser l’usage des EDP sur les chaussées à 50 km/h dans les zones de trafic peu dense (exemple : zone résidentielle)
La multiplication des solutions de déplacement caractérisera les décennies à venir