Pour la DGE, une réflexion sur les engins de mobilité personnels (EDP) a toute sa place dans le cadre des assises de la mobilité, qui, au-delà de l’amélioration des infrastructures et des modes de transport traditionnels se doivent d’aborder l’innovation et les offres de mobilité alternatives, tant en termes de produits que de services individuels et collectifs.

1 –       La DGE est favorable à l’intégration raisonnée des EDP motorisés dans l’espace public

Pratiqués à l’origine à des fins ludiques ou sportives, le roller, le skate board, la trottinette, sont aujourd’hui utilisés comme des modes de déplacement à part entière par nombre de personnes qui abandonnent la voiture, les transports collectifs surchargés, ou doivent circuler quotidiennement dans des zones pas ou mal desservies par ces derniers. La récente motorisation d’une partie de ces engins facilite leur déploiement auprès d’utilisateurs non sportifs, principalement dans les zones urbaines et périurbaines.

Alors que les EDP étaient jusqu’à présent relativement acceptés sur les trottoirs et juridiquement assimilés à des piétons, leur motorisation et leur multiplication sur l’espace public, autant sur les trottoirs que sur les pistes cyclables ou la chaussée, suscitent un phénomène général de défiance voire de rejet à leur égard. Se pose également la question de leur absence de statut juridique, qui, aujourd’hui, leur interdit théoriquement de circuler sur l’espace public. En cas d’accident grave, de nombreuses responsabilités pourraient de ce fait être mises en cause (usagers, Etat, collectivité locale, aménageurs…).

Il est donc urgent de répondre à la question du devenir de ces engins et de combler le vide réglementaire pour leur donner – ou non et, si oui, dans quelles conditions – accès à cet espace public. De nombreux fabricants, distributeurs, usagers, collectivités locales, forces de l’ordre le souhaitent.

La DGE partage cette préoccupation, en étant favorable à l’intégration raisonnée des EDP motorisés dans l’espace public. Ceux-ci répondent en effet à de vrais besoins, collectifs et individuels, par ailleurs, un certain nombre d’évolutions sont intervenues depuis un an pour encadrer et sécuriser le marché des EDP motorisés en France, il faut maintenant en clarifier les usages. 

 

2 –       Un certain nombre d’évolutions récentes sur le marché des EDP motorisés favorisent cette  intégration dans l’espace public

Dans le cadre de ses missions, la DGE travaille depuis 2016 avec des professionnels fabricants, importateurs et distributeurs d’EDP motorisés pour sécuriser ce marché naissant. Ces professionnels se sont fortement mobilisés sur deux axes :

  • La sécurisation technique des produits, pour les usagers conducteurs et pour les tiers, via l’élaboration d’une norme de performances de niveau européen (PR EN 17128) qui intègre des exigences d’équipements pour les engins destinés à circuler dans l’espace public (éclairage, freinage, avertisseur sonore…), en s’inspirant des normes relatives aux engins traditionnels et aux VAE. Cette norme est stabilisée au niveau français. Elle sera discutée au niveau européen en 2018  et pourrait être publiée début 2019. Elle s’imposera alors comme le standard minimum de qualité pour tout engin commercialisé dans l’Union européenne. D’ores et déjà, les professionnels rédacteurs du texte français seraient prêts à s’engager à en respecter les exigences pour leurs futures productions. Des négociations avec les Douanes et la DGCCRF pourraient être engagées afin qu’elles reconnaissent ce projet, largement abouti, comme « un état de l’art » dans le cadre de leurs contrôles du marché;

 

  • L’organisation de la profession en une association, la FP2M, qui vient d’adhérer au syndicat des professionnels du sport, l’Union Sport et Cycle. Cette organisation a largement contribué à faciliter le dialogue des pouvoirs publics (DGCCRF, DGE, DSCR, CGED, DGTIM….) avec les professionnels, dialogue permanent et constructif, et à assurer une traçabilité des opérateurs et des produits. Au-delà de la rédaction de la norme, elle traduit un engagement des professionnels qui leur permet aujourd’hui d’envisager d’autres projets comme la rédaction d’une charte de bonnes pratiques et de conseils, des actions de formation de leurs réseaux de vente et des usagers etc,…

 

3 –   La DGE est favorable à un cadre réglementaire protecteur des usagers les plus vulnérables, en fixant des exigences d’équipement des EDP similaires à ceux des bicyclettes.

a)     La DGE ne se rallie pas à l’avis du Comité des experts auprès du CNSR sur les engins de déplacement personnel (EDP) de novembre 2017

A l’occasion des différentes réunions et groupes de travail sur le sujet, la DGE a constaté que les débats sur l’encadrement juridique des EDP se sont trop souvent engagés sur des fondements erronés et sur une méconnaissance du marché, susceptibles d’en fausser les conclusions.  En particulier :

  • Le fait de traiter globalement des EDP motorisés, alors qu’il en existe actuellement de multiples sortes (avec ou sans selle, guidon, une roue, deux roues, électriques, à assistance électrique…) plus ou moins rapides (moins de 6 kms/h, de 18 kms/h, de 25 kms/h, de 38 kms/h), sachant que ni les professionnels, ni les pouvoirs publics n’ont jamais envisagé de tous les autoriser à circuler dans l’espace public ;

 

  • Le fait de traiter des EDP motorisés dans le cadre des réflexions sur les « mobilités actives », alors que les EDP relèvent des mobilités « alternatives » et doivent être regardés comme des solutions de transport innovantes, dont certaines, comme les « lopifit »[1] ou les trottinettes à assistance électrique[2] relèvent des mobilités actives et d’autres non, et que tous présentent les mêmes facteurs de risques, liés à leur différentiel de vitesse avec les autres usagers;

 

  • le fait de focaliser le débat sur les seuls EDP motorisés, alors que le différentiel de vitesse entre les EDP et les autres usagers n’est pas lié à la présence d’un moteur, mais à la masse, à la puissance de propulsion des engins et bien entendu, au comportement de l’usager. A titre de comparaison, voici les vitesses moyennes des différents usagers susceptibles de se trouver sur l’espace public. On constatera ainsi le peu d’écart entre les vitesses des différents types d’EDP, avec un risque de dépassement du seuil de 25 kms/h par les EDP non motorisés :

 

  • l’absence de données statistiques fiables sur le nombre et l’accidentologie des EDP non motorisés et motorisés circulant dans l’espace public. Si en masse, cette présence paraît négligeable, en tendance, on constate une forte croissance du marché, où se positionnent des acteurs majeurs des sports loisirs et de la mobilité (Fnac, Décathlon, des loueurs de voiture, des collectivités locales…) et des géants étrangers issu des telecoms (Xiaomi) ;

 

  • Au nom de la protection des plus vulnérables, le fait d’opposer plus souvent usagers des EDP motorisés et piétons plutôt qu’usagers des EDP motorisés et conducteurs de véhicules, alors que le rabattement des EDP motorisés sur le trottoir est directement lié à la dangerosité de la chaussée. Une réflexion « inclusive », voudrait que l’on traite globalement de la sécurité des tous les usagers de l’espace public, y compris ceux utilisant des modes innovants de déplacement ;

  • Le fait de présenter régulièrement comme un facteur aggravant du risque, le débridage des EDP motorisés, alors que celui-ci n’est techniquement pas plus à craindre pour les EDP que pour les VAE, les deux ou trois roues motorisés et les « voiturettes » sans permis, interdit par la loi et strictement prohibé par les fabricants et les assureurs ;

 

L’avis du Comité des experts auprès du CNSR sur les engins de déplacement personnel de novembre 2017 reste largement fondé sur ces différents postulats :

  • il oppose, les tenants des mobilités « actives » et ceux des mobilités « alternatives » sans s’interroger sur le partage de l’espace public et le fait que les EDP sont aussi des engins qui peuvent faciliter les déplacements, y compris des seniors te personnes fragilisées (« Il faut toutefois prendre pleinement en compte le vieillissement de la population d’une part, et d’autre part le besoin d’activité physique dans une société où la sédentarité fait déjà des ravages. L’usage des EDP motorisés n’est pas une activité physique à mettre sur le même plan que le déplacement à pied ou à vélo, déplacements qu’il faut continuer à promouvoir et à protéger mieux »).

 

  • Dans sa classification des EDP, il omet ceux qui sont à assistance électrique et entrent, de ce fait dans la catégorie des engins de mobilité active (cf. supra) ;

 

  • Il présente le débridage comme un problème majeur pour les EDP motorisés alors qu’il se pose pour tous les engins motorisés, qu’il reste marginal.

 

Par ailleurs,

  • Il ne se fonde pas sur une analyse approfondie du projet de norme en cours d’élaboration, qui répertorie plusieurs catégories d’EDP et leurs usages et répond à un certain nombre de griefs soulevés à leur encontre en fixant des exigences de sécurité (ex : la matérialisation par un éclairage spécifique le mode piéton, pour en faciliter le repérage par les forces de l’ordre) ;

 

  • Il propose, y compris sur les chaussées à 50 kms/h non aménagées, d’assimiler les EDP assimiler à des cycles, c’est-à-dire de les mettre sur la chaussée, en dépit du principe de la protection des usagers les plus vulnérables. A ce titre, il faut rappeler que même s’ils ne représentent que 2 % du trafic les seuls utilisateurs de deux roues motorisés représentent déjà plus de 16 % des morts et 30 % des blessés hospitalisés ;

 

  • Sur ces chaussées, il recommande une obligation du port du gilet rétro réfléchissant et du casque, ce qui rouvre le débat sur l’équipement des cyclistes et des VAE qui n’y sont pas contraints (sauf de nuit et pour les enfants) alors que leur vitesse de pointe est comparable à celle des EDP (25 kms/h) ;

 

Compte-tenu des risques encourus par les EDP sur les chaussées à 50 kms/h ou plus sans aménagement cyclable, la DGE n’est pas favorable à leur assimilation systématique à des cyclistes et ne se rallie donc pas à l’avis du Comité des experts auprès du CNSR. Elle est d’autant moins favorable à cette assimilation qu’elle ne répond pas au souci de sécuriser le trottoir, puisqu’en terme d’analyse de risques pour les piétons, EDP motorisés et EDP non motorisés sont équivalents (cf. supra). L’adoption de ce principe conduirait à faire cohabiter dans les zones de chaussée à 50 kms/h à 50 kms/h ou plus sans aménagement cyclable des rollers pouvant potentiellement aller jusqu’à 25 kms/h et circulant sur les trottoirs et des EPD motorisés circulant potentiellement à la même vitesse mais contraints à rester quant à eux sur la chaussée.

b)    La DGE propose de mettre en place une réglementation raisonnée souple et inclusive pour les EDP en fixant des exigences d’équipement similaires à ceux des bicyclettes.

Le développement des EDP motorisés répond à des besoins de mobilité, de protection de l’environnement, d’apaisement des centres villes. S’il peut apparaître comme une menace pour les populations fragiles, il peut aussi redonner de l’autonomie et rompre l’isolement de certaines personnes fragilisées, en incapacité de conduire ou d’acheter un véhicule motorisé ou un VAE et de marcher, sans être des personnes à mobilité réduite au sens médical du terme. 

 

La DGE, sur la base des propositions de la DSCR, propose donc d’autoriser la circulation des EDP motorisés dans l’espace public dans les conditions suivantes : 

  • Pour les engins :

 

  • En limitant le périmètre de cette autorisation :
    • aux engins à propulsion électrique, en excluant ceux à propulsion thermiques et dont la vitesse maximale par construction est de 25 kms/h ;
    • aux engins qui ne disposent pas à la fois d’une selle ou d’un siège et d’un guidon, à l’exception des dispositifs médicaux, afin d’éviter, pour les forces de l’ordre, toute confusion avec les cyclomoteurs et motocyclettes ;
    • aux engins équipés, a minima, de dispositifs équivalents à ceux prévus pour les bicyclettes en matière de signalisation passive et active (éclairage, catadioptres avertisseur sonore) ;
    • aux engins équipés d’un mode « piéton » limitant la vitesse à 6 kms/h, mode repérable par un dispositif lumineux visible par les tiers ;
    • aux engins munis d’un double dispositif de freinage, agissant sur la ou les roues de façon indépendante, une défaillance de l’un ne devant pas entraîner systématiquement celle de l’autre.

 

En revanche, la DGE s’interroge sur la validité juridique d’une mesure qui limiter l’autorisation de circulation des EDP motorisés à la conformité une norme spécifique (actuellement la PR EN 17128).

 

D’une part parce que le principe de la reconnaissance mutuelle, impose en Europe la reconnaissance des autres textes de nature normatifs fixant des exigences équivalentes ou supérieures aux normes européennes, d’autre part parce qu’il s’agit d’une norme destinée à réguler l’entrée des produits dans l’espace européen et non à fixer des règles d’utilisation sur le territoire. Restreindre l’usage des EDP en France par voie de conformité à une norme pourrait être interprété comme une entrave aux échanges par la Commission européenne. Enfin, parce qu’elle briderait l’innovation, en interdisant l’utilisation de la procédure d’attestation de conformité aux exigences de sécurité, délivrée à la suite d’un examen de type, pour les produits non couverts expressément par la norme.

 

Il faut préciser qu’une fois la norme publiée, tous les EDP motorisés vendus sur le territoire devront répondre à ses exigences. Au cas contraire, ils ne pourront ni entrer sur le territoire, ni y être commercialisés, sous le contrôle des Services des Douanes et de la DGCCRF. Ainsi, le marché et le parc en circulation, devraient progressivement être « assainis », ces engins ayant souvent une durée de vie limitée, en lien avec celle de leurs batteries. 

 

  • Pour les usagers
  • En rendant obligatoire certains équipements de protection individuels, dans un souci de cohérence avec ceux imposés aux cyclistes ;

 

  • Pour les conditions de circulation
  1. Afin de lever toute ambiguïté, en inscrivant précisément dans le code de la route la vitesse de circulation permettant d’assimiler un engin de déplacement de personnel à un piéton (6 kms/h ou moins et les endroits où cette vitesse s’applique ;
  2. En retenant le principe d’une assimilation des EDP à des piétons ou à des cycles en fonction du contexte dans lequel ils circulent :

  3. Assimilation aux piétons dans les aires piétonnes, les zones de rencontre, les voies vertes, les trottoirs et les traversées piétonnes de chaussée ;
  4. Assimilation aux cycles dans les zones 30, les bandes et pistes cyclables et les couloirs de bus ;
  5. Interdiction de circulation sur la chaussée sur les voies à 50 kms/h ou plus sans aménagement cyclable, ce qui signifie un rabattement sur le trottoir, à la vitesse limité fixée par la réglementation.

 

Enfin la DGE est favorable à la prise en compte des EDP motorisés et non motorisés dans tous les programmes d’information et de formation au code de la rue, à la conduite des cycles et à la sécurité routière.

 

[1] https://www.hollandbikes.com/193-lopifit
[2] https://www.on-mag.fr/index.php/zegreen/news/mobilite/13916-on-mag-a-teste-la-trottinette-a-assistance-electrique-avec-emicro-one 

DGE: Direction Générale des entreprises